Hervé, si tu me lis…
Lors de mon dernier repas à Paris, j’ai pu côtoyer des amateurs et des grands collectionneurs de vin et boire ou ne pas boire des vins très bons, bons, moyens, mauvais et très mauvais . La force des étiquettes, la notoriété des crus, les prix des bouteilles avaient, c’est sûr, un impact terrible sur les avis qui trouvaient même, en cas de vin à problèmes techniques graves (volatile, TCA, bouchons), des circonstances atténuantes, voire même des qualités là ou, évidemment, il n’y a que des défauts rendant les vins imbuvables.
Si un vin est bouchonné, il peut avoir été bon, noté 100 points Bettane ou Parker, il est bouchonné. Point !
Dans le cas de vins vieux, trop vieux, à l’apogée dépassée, là, c’est une autre histoire, certains aiment ça et c’est leur plaisir seul qui importe. Que moi, je trouve ce vin trop vieux, usé n’enlève rien au plaisir ressenti par un amateur de vin vieux ayant cette culture. Je pense à beaucoup de mes amis, même jeunes, qui sont amateurs, c’est d’ailleurs pour ça que je suis toujours ami avec François Audouze même si je ne suis pas d’accord avec lui sur beaucoup de vins qu’il aime.
Là où c’est plus dur et c’est là où je veux en venir pour mon ami Hervé Bizeul et pour tous les « jeunes » vignerons, créateurs de vins dans des lieux aussi étonnants que le Roussillon ou même Saint Emilion, et mes bras ont failli tomber, c’est d’entendre un de ces grands collectionneurs belge qui se dit ami de tous les châteaux connus, de Parker, de Hardy Rodenstock etc…, et qui possède une des plus belles caves du monde avec Margaux et tous les premiers, avec Pétrus, Lafleur, Eglise Clinet etc…, me dire à propos de mon vin - sans s’apercevoir de la dureté de ses mots , en tout cas tels que je les ai compris – « je n’ai pas acheté votre vin car je n’ai pas assez de recul pour acheter votre vin » (en clair, je n’ai pas confiance).
Cet homme riche qui passe aux yeux de tous pour l’un des principaux amateurs de vin, possesseur d’une des plus belles caves, n’achète donc que des vins existants depuis 1855 ou 1900, bien notés par Parker quand même car « il (Parker) ne se trompe pas souvent » ( sic) et que ses achats sont de bons achats financièrement parlant, j’entends !
Capable de se plaindre de ne plus avoir accès aux 60 bouteilles de Pétrus chez son fournisseur belge qui lui laissait ses allocations tous les ans, capable aussi de trouver cher un Eglise Clinet 2009 à 300 euros, habitué qu’il est à le payer moins cher, n’acceptant les changements de prix que chez les premiers, et encore !
Il est dommage qu’avec tout son argent, il n’ait pas envie d’acheter mon vin, voire de le goûter, heureusement que d’autres grands amateurs et propriétaires belges m’achètent mon vin, heureusement que je ne suis pas que dans le Roussillon ou propriétaire d’un « simple » Bordeaux.
Comment être reconnu comme un grand amateur et n’avoir pas envie d’être un découvreur ?
Voilà ce qui m’a chagriné et c’était d’autant plus étonnant qu’un autre collectionneur présent, amateur, était lui tout le contraire. Bien sûr, il avait lui aussi ses DRC, ses Hermitage, ses Cheval Blanc 47 ou Mouton 45, mais il avait aussi tout plein de crus inconnus ou connus par lui avant tout le monde. Et là, respect, admiration, chapeau bas !
Hervé, si tu me lis, la route est longue pour prétendre convaincre le premier : 100 ans, 200 ans ? mais oublie celui-ci et pense à l’autre, celui qui découvre, qui, bien qu’âgé, a encore le sourire pour parler d’un vigneron qui, de temps en temps rate ses vins ; curieux de tout avec sa femme et qui partage encore ses découvertes. Sans doute as-tu dans ta clientèle, et moi aussi, ce genre d’amateur .
Qu’ils en soient ici remerciés.