Ça se termine, et comme toute campagne primeurs spéculative, les relations commerciales peuvent prendre un mauvais chemin, chacun accusant l’autre de mauvaise foi quand il n’obtient pas ce qu’il désire acheter. Le négociant reproche à la propriété dont le cru est demandé de n’avoir pas assez de bouteilles à vendre, oubliant au passage qu’il était moins exigeant en 2007 et 2008. Lui reprochant, seulement en pensée, d’être à des prix trop élevés, alors qu’il préfère quand même avoir 15% de marge sur 1000 euros que 15% de marge sur 50 !
Le client fait de même vis-à-vis du négociant distributeur bordelais, et ainsi de suite dans toute la filière jusqu’au client final.
J’ai droit en cette fin de campagne à quelques noms d’oiseaux célèbres dans la finance : dans la rue, on me donne du Monsieur « Kerviel », voire presque du Maddoff, et de la part de certains clients du « on m’avait bien dit que vous étiez un spéculateur », etc…
Obligé de me justifier.
Heureusement 95% des clients connaissent la musique « bordelaise » et beaucoup ont de la mémoire, et pas que sélective : en effet n’ayant dans mon négoce que les 1ers crus rive droite à vendre, pour ceux de la rive gauche, je fais comme les copains et je rachète tous les ans à Londres, à Zürich, voire à Bordeaux ces 1ers crus si recherchés.
Et cette année, comme c’est normal, je les rachète plus cher qu’en 2008 ou 2007 !
Si une espèce de cohérence est possible quand on a le privilège d’être allocataire en 1ère tranche, comment être au bon « prix d’ami » quand on rachète ?
Cette année, si l’on rajoute au prix déjà très élevé de la première tranche dont le volume est volontairement réduit, les prix des 2ème, voire 3ème tranche, les prix moyens, l’âge du capitaine, mon handicap au golf et les plages du Cap Ferret, on peut comprendre que je sois traité d’incompétent !
Heureusement il y a des propriétés formidables, des propriétaires qui m’aiment bien, ou qui apprécient tout simplement mon entreprise, certains mêmes – et pourtant très célèbres – m’ont permis d’augmenter mes allocations en 1ère tranche cette année, ou de devenir allocataire grâce à une 2ème voire 3ème tranche proposée comme un sésame pour les années à venir.
On pourrait faire un roman sur tout ceci. En attendant je vous conseille d’aller chez votre libraire pour demander ce livre qui sort juste maintenant et publié par Féret : « Le marché des réputations, une sociologie du monde des vins de Bordeaux » écrit par Pierre-Marie Chauvin.
Le timing pour lire ce livre le soir pour évacuer le stress de cette campagne est parfait.