La journée avait bien commencé avec la réception de 2 journalistes –sommeliers suédois, pleins de joie, de curiosité, d’attention, sensibles et à l’empathie évidente. Amoureux fous de vin, limite romantiques et, dans ces cas là, le temps passe trop, trop vite.
Ils sont partis l’après midi pour Domaine de Chevalier, pendant que moi j’allais à un de ces rendez-vous incontournables pour le négociant bordelais que je suis, dans un grand et beau château célèbre, mais chut… c’est un peu confidentiel.
Repas parfait, vins bien sûr à la hauteur de l’évènement et tout le tralala pour cet évènement très classe. Dans ce genre d’exercice, même si bien sûr je suis heureux d’être invité, il est dur pour moi d’être « naturel » : la cravate sans doute, le veston trop peu porté et quoi que je dise beaucoup de complexes tant je ne suis pas sûr d’être à ma place, car même si je crois en mon métier, mon goût, mon énergie, je me sens un peu comme une aiguille dans une botte de foin. Il est vrai que ces temps-ci mon stress habituel augmente : les journalistes, la campagne primeur, les stocks existants, ceux à venir, les clients, ceux qui payent, les sympas, les autres, tous les salaires qui dépendent plus oui moins de mon entreprise, le rôle de consultant, les banques… Tout prend des proportions sérieuses et je suis limite dépressif !
Si en plus, on rajoute qu’à la table où j’étais assis entre courtiers sympas, directeurs de boîte de négoce ou représentants du château qui invitait, l’un de mes voisins me fait cette remarque à la fin du repas : « est-ce que Valandraud sera encore là dans 100 ans, et que vaut-il par rapport à Lafite ? Est-ce que ce n’est pas comme tous ces vins-comètes ? »
Bon Dieu, c’est que je crois bien que je pourrai devenir méchant, moi qui aime tant les gentils, moi si pacifique- même pas chasseur ni courageux- je pourrai me transformer en lion si on met une seconde en doute ma détermination et mon sérieux à poursuivre jusqu’à mon dernier souffle mon, notre histoire.
Comment peut-on, encore aujourd’hui, quand on habite Bordeaux et que l’on est un « professionnel » du vin, si mal interpréter mon histoire ? Cela remet mon ego à sa place, mais Bon Dieu hier ce n’était pas le jour pour entendre de genre de conneries !